En passant dans la campagne, lors de ma séance de marche nordique, je vois dans les champs que les blés ont poussé, hauts d’à peu près un mètre en ce jour de fin juin. Dans cette vaste étendue, je remarque, çà et là, de petites têtes de tournesols qui hissent leurs corolles solaires, juste au-dessus de la lisière des épis, comme de petits ilots émergeants à la surface de cet océan blond. Ils sont groupés, répartis dans une apparente anarchie. De loin en loin, quelques naufragés, solitaires, Robinsons végétaux, un peu plus hauts que les autres, d’ailleurs…
Peut-être s’agit-il d’un reliquat de cultures des années passées, comme quelques survivants qui refuseraient de céder la place. Alors que je longe le bord de route, les fleurs, tournées vers le soleil matinal, me semblent comme des visages gracieux désireux de parfaire leur hâle. Curieuse, cette impression qu’ils me suivent du regard. Le calme de l’endroit est propice à l’imaginaire. Me laissant guider par lui, je m’invente une drôle d’histoire de communautés de fleurs jaunes, égarées dans une immensité, qui chercheraient de l’aide auprès des voyageurs. Dans les figures avenantes de ces couronnes dorées pointerait une supplique, pour qu’enfin elles se réunissent et forment à nouveau une famille…
Emporté par mes pas quelques centaines de mètres plus loin, je longe un pré à l’orée des marais, où un couple de cigognes niche depuis la fin de l’hiver. Les deux cigognaux sont à présent aussi grands que les parents, et vont sûrement bientôt quitter le nid. Ma pensée s’évade vers des contrées lointaines, les accompagnant dans leur migration prochaine vers le sud. De nouveau, l’imagination est à l’œuvre.
Lorsque l’esprit est en état de réceptivité, nous retrouvons une disponibilité enfantine à la créativité. Il s’agit de se laisser gagner par la simplicité de la nature, de retrouver une tendance naturelle à l’émerveillement…
