Le libre hère de la Grande Allée Ouest


Terre d’accueil, terre de rencontre, contacts chaleureux… Tout cela est vrai, et sans doute, c’est ce qui fait la renommée de ce pays. On dit aussi ouverture d’esprit. Peut-être. Cependant, on se doit d’éviter de généraliser hâtivement. Tout peuple a ses récurrences, ses habitudes, ses rites et codes sociaux, ce qui amène souvent à considérer tous les habitants du même pays comme un tout indivisible. Pour autant, un peuple est constitué d’individus distincts les uns des autres, avec des opinions, des besoins, des colères, des désirs et des projets différents. 

Quand bien même le Canada, et le Québec en particulier sont pour le visiteur lieu de sympathie, ne tombons pas dans un angélisme naïf. On peut être chaleureux, et en même temps réfractaire à trop d’accueil. J’en veux pour preuve ce drôle de libraire-brocanteur rencontré hier. Ma curiosité est attisée par une église, dans cette avenue cossue des quartiers chics de la ville, passablement délabrée, visiblement détournée de sa fonction première : portail grand ouvert, et offrant depuis l’avenue la vision décalée d’un capharnaüm de livres, disques, depuis le narthex jusqu’au fond du chœur, installés sur d’invraisemblables tréteaux, des mètres d’étagères de récupération, du bric-à-brac de bric et de broc, vaguement répertoriés et regroupés en d’approximatives catégories. J’affectionne ce genre d’endroit, mon déraisonnable amour des livres m’entrainant souvent dans ces dédales, où le regard se perd, glissant sur les couvertures, et les tranches, à la recherche de trésors à découvrir… Ce Québécois pur sirop d’érable, mince et moustachu, avenant, souriant, nous questionne sur notre nationalité, renouvelle, comme d’autres croisés avant lui, les liens indéfectibles qui unissent le Québec et la France. Alors que la conversation s’ouvre sur les raisons de cette étonnante cohabitation brocanto-religieuse, on aborde le sujet apparemment sensible de la vacuité des nombreuses églises de la ville, qui s’étiolent, se dégradent, faute de moyens, car ici, l’Etat ne sauve pas les chefs-d’œuvre en péril. S’ensuit un couplet bien senti sur les politiciens et leur manque de courage (par pudeur, je ne transcrirai pas l’exacte expression employée, mais chez nous elle qualifie familièrement les enfants !). C’est juste après que ça dérape. Le discours se fait plus tranchant ; les églises disparaissent, mais les mosquées fleurissent… Des arguments fallacieux, des statistiques à l’emporte-pièce, qui après vérification, ne reposent sur aucune donnée fiable, un réquisitoire que l’on entend en France dans les bouches des dirigeants d’extrême-droite. Les Arabes, les Chinois, les Européens hormis les Français, bref, rien de ce qui n’est pas le Québec ne trouve grâce à ses yeux, alors même qu’aveuglé par son protectionnisme, il a amnésié qu’il est lui-même le résultat d’une immigration, d’un mélange de cultures… Ce sont ses opinions et elles sont respectables. Je n’ai pas assez de connaissance sociale et politique de ce pays pour m’ériger en contradicteur. Il y a sans doute dans cette amertume des raisons qui m’échappent et qui sont légitimes ; je n’en jugerai pas. Mais j’ai appris quelque chose dans cet échange. J’ai appris que l’on ne doit pas prendre une généralité pour une vérité ultime. Cela n’enlève rien au ravissement que j’éprouve au contact de ces cousins au drôle d’accent, accueillants et bienveillants. Simplement, mon avis sera à l’avenir plus nuancé. Le libraire de l’Eglise de la Grande Allée sera mon exceptionnelle exception…


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