Article publié en juin 2013 sur Hypnoblog, le blog d'un hypnothérapeute
L'autoroute entre Lyon et la Charente-Maritime. Je roule longtemps dans le silence, goûtant la tranquillité de l'habitacle, seulement troublée par le son et les vibrations du roulement des pneus sur le ruban d'asphalte.
Ah, la traversée du Massif Central ! Les cartes de mes livres d'école me reviennent en mémoire, mais les noms oubliés des volcans assagis me rappellent que je n'écoutais pas grand chose en géographie ! Je me contente alors de les apercevoir au fil de la longue rivière grise qui porte mon bateau de plastique et de tôle...
A cette saison, le printemps, même tardif, déploie sa végétation foisonnante. Toutes les nuances de vert sont là. C'est apaisant, je trouve, pour le regard, pour l'esprit, pour la concentration de la conduite.
Ayant envie de musique, à la moitié du parcours, je déniche un cd oublié au fond de la boîte à gants : A time to love, de Stevie Wonder. Dès les premières notes, je retrouve le plaisir intense d'écouter cet album, de le redécouvrir. Je me souviens de sa sortie en 2005 comme d'un événement dans ma vie de fan. Je le considère comme l'un des meilleurs de sa carrière. Le premier morceau, If your love cannot be moved, me reconnecte à sa voix puissante et chaude, sur fond de rap. Sweetest somebody I know, teinté d'harmonica, rappelle son style inimitable de soulman, et me fait balancer la tête en rythme... Moon blue, un slow qui révèle son extraordinaire virtuosité vocale me fait frissonner de bonheur contenu. Chaque morceau est un bijou différent des autres - dance, jazz, groove, hip-hop, balade - et chacun fait surgir une émotion particulière. Le funky « So what the fuss » me fait danser tout le haut du corps, accroché au volant, et alors que je double des voitures, je me moque complètement des regards curieux que l'on me lance peut-être, me voyant agiter frénétiquement la tête et les épaules ! Le nostalgique A time to love, qui clôt l'album en mode mineur, crescendo, me fait monter les larmes aux yeux, même si mon anglais ne me permet pas d'en comprendre toutes les paroles.
Cette écoute en boucle accompagne le reste du parcours. Tous mes sens sont sollicités. La vue du magnifique paysage, la musique, le confort de la température de cette belle journée, l'odeur du reste de croissant acheté en route, le goût de l'eau que je bois régulièrement. Les émotions aussi sont à l’œuvre, diversement ressenties et exprimées...
Que se passe-t-il lorsque je décris tout cela ? Que se passe-t-il en vous lorsque vous lisez ces mots ?
Peut-être vous êtes-vous déjà endormi d'ennui ? Voilà un remède à l'insomnie !
Mais si vos yeux sont encore ouverts, lorsque j'évoque un voyage, vous retrouvez peut-être le souvenir d'une expérience similaire. Je parle de livres d'école, et peut-être pensez-vous aux vôtres. Je décris un paysage, je parle de musique et cela vous connecte à vos sens. Le VAKOG cher aux hypnotiseurs et autres PNListes n'est jamais loin ! Les sensations sont des phénomènes communs à tous les êtres vivants.
Peut-être aussi vos émotions sont-elles réveillées à l'évocation des miennes ? Ce sont des fonctions communes à tous les animaux, dont nous sommes...
Nous sommes donc des êtres sensoriels, émotionnels... et pensants.
A l'écoute de tous mes sens, attentif à mes émotions, j'ai été capable de maîtriser en permanence mon véhicule, d'être concentré sur ma sécurité et celle des autres, pour arriver sans encombre à destination. Nous sommes ainsi, multiple, c'est ce qui fait notre richesse.
Notre pensée devrait être le conducteur vigilant qui s'appuie sur les autres fonctions pour avancer.
Je me souviens d'un article de Christophe André*, « Compassion et chanson », dans lequel il raconte comment il a éprouvé une émotion inattendue. Il nous invite à prendre conscience et accueillir ce qui se présente à nous.
Nous pouvons apprendre à être plus conscients de ce qui nous anime. C'est un passionnant travail, surement sans fin... Nos pensées, nos sensations, nos émotions font de nous des êtres d'une incroyable complexité, d'une grande diversité. En étant attentif à ce qu'il se passe en nous, nous pouvons devenir le conducteur de notre esprit...
*Christophe André, psychiatre, écrivain